Villacoublay : le hangar Guynemer (constructeur Champeau)

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par Guilhem Labeeuw

Le hangar Guynemer se situe en zone Nord de la base aérienne de Villacoublay le long de l’actuelle A86 qui, à l’époque de la construction du hangar Guynemer dans le début des années 1920, s’appelait la route de Versailles (RN186). Ce hangar aux dimensions impressionnantes construit par les entreprises Champeau fait partie des bâtiments rescapés des bombardements de 1944. Construit à l’époque pour les besoins du Service Technique de l’Aéronautique, son utilisation en tant que hangar avion a progressivement cessé avec la construction de l’A86 entrainant l’isolement de la zone Nord du reste de la base même si un accès au taxiway demeure possible. 

 

Vue actuelle du hangar Guynemer (2025). Source : Googlemaps

Le Service Technique de l’Aéronautique

Parmi les occupants du terrain de Villacoublay au début du siècle précédent, se trouvait une Section des Essais en vol dépendant du Service Technique de l’Aéronautique (STA) dont les bureaux siégeaient à Issy-les-Moulineaux, 2 rue Jeanne d’Arc. Créée en 1915, le rôle de cette section était de contrôler les performances des avions français à livrer à l’armée. Au sortir de la guerre, les installations du STA situées le long de la route de Versailles, à l’est de hangars des établissements Breguet ne se limitaient pourtant qu’à quelques hangars en structures bois, sans guère d’ateliers. Un vaste programme de rénovation et de construction de hangars et bâtiments techniques est alors entrepris début 1920, afin de donner les moyens adéquats aux personnels de la section des essais et faisant de Villacoublay l’aérodrome attitré du Service Technique de l’Aéronautique. Les trois hangars seront dénommés Gonidec, Destrem et Guynemer. Il n’en reste qu’un seul à ce jour, le Guynemer. Leurs constructions entre 1921 et 1924 s’accompagnent d’une série d’autres constructions techniques (bureaux, laboratoires, ateliers, mât projecteurs, château d’eau) pour former un ensemble opérationnel au service du STA.

Vue des installations de la section des essais en vol du Service Technique de l’Aéronautique (vers 1922-1923). Source : L’Aéronautique. 1923-05

Le hangar Guynemer dont il est question ici (bât. c, 150 m de long par 35 m de large et 15m de hauteur libre) est en cours de construction sur la photo ci-dessus. C’est le deuxième construit par les entreprises Champeau à Villacoublay et dernier né des hangars de la zone des installations du STA. Le hangar (bât. b), caractéristique par sa structure en poutres en béton armé de type bow-string en extérieur a été achevé quelques mois auparavant, par les entreprises Champeau également. Il est dénommé hangar Destrem. Le premier hangar (bât. a) était pré-existant, dénommé hangar Gonidec et relevait du type Dubois, avec une seule série de pylônes de suspensions du côté des grandes portes, légèrement différent de ce fait des hangars à toiture suspendue Dubois de Toussus-le-Noble par exemple.

Vue des installations de la section des essais en vol du Service Technique de l’Aéronautique en 1923. Source : L’Aéronautique. 1923-05

En 1921, s’installe à Villacoublay une Division de l’Entraînement de l’Aviation Militaire (ancêtre du Groupe d’Entraînement et de Liaison (GAEL)), confortant le site dans sa vocation technique et opérationnelle. Par la suite, un Centre d’Essais des Matériels Aériens est créé en 1927 qui absorbe le Groupe des Avions Nouveaux (GAN) ayant déménagé pour l’occasion dans le hangar Guynemer. L’activité du site ne cessera de se développer durant cette période et en 1933, le site prit l’appellation de Centre d’Essais en Vol jusqu’à ce que les installations soient évacuées.

Les 3 hangars du Service Technique de l’Aéronautique, avec de gauche à droite, le hangar Gonidec (Dubois); le hangar Destrem au milieu et le Guynemer au fond (vers 1930). Source / DR : musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône

 

Les concours de construction 

Le concours du hangar Guynemer est mentionné dans le Moniteur des TP du 1er septembre 1921, avec une date limite de remise des offres au 5 novembre 1921. Il s’agit bien, malgré ses dimensions importantes, d’un hangar d’aviation et non comme on peut le voir encore écrit dans certains sites d’un hangar à dirigeables. On trouve également différentes archives liées à ce concours ou à celui du précédent hangar (bât b) organisés par le Service Technique de l’Aéronautique. Les archives sont dispersées néanmoins entre plusieurs centres, selon leur producteur (i.e l’entreprise ayant candidaté) mais le nombre de références localisées pour ces projets témoigne de l’intérêt qu’ont eu les grandes entreprises à l’époque pour ce type de commande :

Au CAMT de Roubaix : Ce sont les archives du BET Pelnard-Considere-Caquot qui font mention de ce concours comme étant “un hangar fixe destiné à garer les avions lourds de l’avenir”. La lettre de consultation du STA accompagnée du programme est signée du directeur, l’ingénieur en chef Portant. Mais le BET Pelnard-Considere- Caquot n’a pas été en mesure de répondre à cet appel d’offres suite à l’abandon de son sous-traitant de charpente métallique. Le projet du BET, dont les plans sont conservés à Roubaix témoigne d’une construction très différente du premier hangar Champeau (bât b), et disposait d’un principe de charpente métallique à ferme classique dont la poutre-au-vent était suspendue par un grand pylône en façade, qui devait constituer un obstacle relativement gênant dans un contexte aéronautique. La hauteur libre de 15 m imposée par le concours induisait une hauteur au faîtage de 26 m sans compter le dépassement du pylône central. La forme des ouvertures vitrées côté route de Versailles (actuelle A86) était relativement étonnante par rapport aux constructions de hangars de l’époque.

Projet (abandonné) du BET Pelnard-Considere-Caquot pour le hangar Guynemer. Source : CAMT Roubaix

A l’IFA à Paris : Deux dossiers d’archives correspondent vraisemblablement à ce concours : Celui des établissements Hennebique (réf. IFA 2833/33 non consultée) et celui de l’agence d’architecture des frères Perret (535 AP 84/1, plan daté du 3 novembre 1921). Ces derniers avaient déjà répondu en janvier 1920 à une consultation pour un hangar avion à Villacoublay pour le service de navigation aérienne mais sans avoir été retenu. Choisissant une réponse entièrement en béton armé, avec une toiture constituées de coques en béton armé, le projet des frères Perret préfigure celui des hangars de Marignane, 30 ans plus tard, conçus également par l’architecte Auguste Perret et l’ingénieur N. Esquillan et réalisés par les entreprises Boussiron.

Les archives du projet des entreprises Champeau, finalement retenu, ne sont pas pour le moment localisées. La structure de ce 2ème hangar remporté par Champeau diffère totalement du précédent : une structure métallique cachée et une simple toiture à deux pans. Nous n’avons à ce jour pas retrouvé d’éléments d’archives pouvant expliquer ce choix du Service Technique Aéronautique. Est-ce par abandon des autres projets ou par souci de disposer d’une infrastructure relativement simple et économique d’entretien, contrairement au précédent projet de Champeau dont la disposition des couvertures et des poutres bow-string retroussées a dû susciter à l’époque quelques inquiétudes sur leur entretien ?

Le hangar Guynemer construit par les entreprises Champeau. Source : L’Illustration économique et financière. 1925-08-15

 

Description du hangar [1]

Coll. SSBAIF (DGAC)

Le hangar Guynemer couvre une surface de 5250 m2 (150 m de long par 35 m de large). Ce hangar était à l’origine spécialement destiné au logement des gros appareils dont certains atteignent 36 mètres d’envergure dans le milieu des années 1920

Sa structure est composée de :

  • Une poutre métallique longitudinale de dimension impressionnante, similaire à celle de ponts métalliques, de 8 mètres sur 10 mètres, pesant 360 tonnes et reposant sur trois appuis, à 15 mètres du sol, qui supporte tout le reste de la charpente. Ce type de poutre treillis est appelée Pratt. Certains sites internet mentionnent Eiffel comme fournisseur mais les archives de cette société conservées au CAMT à Roubaix ne mentionnent pas de projets à Villacoublay datant de 1922. Le mystère demeure donc sur la participation des entreprises Eiffel à la fourniture d’une charpente aussi volumineuse. D’autres entreprises, comme Pantz auraient pu y participer. Peut-être qu’une inspection visuelle des charpentes pourrait nous permettre de détecter des indices sur l’origine des aciers utilisés pour ce hangar.
  • de trois poteaux métalliques (que l’on distingue dans la photo IGN de 1922), deux insérés dans les pignons et d’un central
  • d’une toiture à deux pans en couverture métallique
  • de remplissages en maçonnerie et d “ouvertures le long de l’A86

Sur les 150 mètres de façade. 135 mètres peuvent être découverts sans aucun obstacle. Dix portes coulissantes d’un poids de 12 tonnes chacune, automotrices et commandées à distance d’un poste central permettent d’assurer en 2 minutes la fermeture de cette ouverture.

Tracteur à chenilles Citroën tractant un Farman. Source : revue Très Sport 1924

Des ponts roulants assurent le démontage facile des avions. Des réservoirs recueillent et filtrent l’eau de pluie pour l’usage des radiateurs. “Enfin, le chauffage central permettait à l’époque d’obtenir, par les plus grands froids, une température suffisante pour que le personnel puisse travailler sans gêne et pour éviter chaque jour la vidange et le remplissage des radiateurs, source de perte de temps considérable quand il s’agit d’une cinquantaine d’avions.”

Une tour métallique abritant semble-t-il un projecteur a été construite un peu plus tard  à l’angle du hangar, devant l’aire bétonnée.

 

Illustrations

Le hangar Guynemer en cours de construction fin 1922. source : IGN

La charpente en cours de construction. Source : SSBAIF (DGAC)

A l’intérieur du Guynemer. Source : revue Très Sport 1924

Durant l’occupation allemande. Coll. 2A via JL Roba

Après les bombardements. Coll. 2A via JL Roba

Poste 1945. Coll. SSBAIF (DGAC)

Hurel-Dubois en 1953. Coll. Le Faucheux

Nous remercions par avance, tous ceux qui disposeraient d’informations utiles sur l’histoire de ce hangar, de nous écrire à : news@anciens-aerodromes.com

Sources : 

  • archives du CAMT Roubaix
  • archives du SHD
  • archives de l’IFA
  • archives du SSBA-Ile-de-France (DGAC) à Villacoublay
  • photothèque IGN
  • Revue Le Moniteur des TP. 1er septembre 1921
  • Revue L’Aéronautique. Mai 1923
  • Revue Très Sport. n°32, 1er décembre 1924
  • [1] Revue L’Illustration économique et financière. 15 aout 1925
  • aeriastory.fr